NOUS SOUSSIGNANS
(par Jacques Berhaut)

Table des matières:

Dans le bocage du Mesnil-Mauger
haut lieu normand de mes ancêtres

 

Ce jour là j'ai remarqué l'air légèrement emprunté de Charles dans son habit de cérémonie, et sa jeune et ravissante toute nouvelle épouse Charlotte Le Dornois, dans sa belle robe de mariée, son joli visage entouré de sa catiole immaculée. J'ai entendu chanter dans cette belle église du Mesnil Mauger.

Mais qui était-ce: Nicolas, ou Louis, ou Anthoine, ou Adrien, ou Guillaume, ou Claude, ou Mathurin, ou Pierre, ou Olivier, ou Charles HUREL.. ou Robert, ou Jacques, ou Gilles, ou Louis, ou Jean, ou Pierre, ou Anthoine Le DORNOIS qui chantait au lutrin??? J'ai prié devant le beau retable. Je m'y suis ressourcé.

D'après Monsieur LANGLOIS historien local, résidant dans la ville voisine de Mézidon Canon, la famille Hurel du Mesnil Mauger était composée d'industriels employant jusqu'à quatre cent cinquante ouvriers, mais il n'a pu me préciser s'il s'agissait bien de la branche Hurel qui nous concerne, la paroisse du Mesnil Mauger étant relativement petite, il y a quand même de fortes chances pour que ce soit bien des membres de cette famille qui aient eu des intérêts dans l'industrie.

Paradoxalement c'est de cette époque la plus éloignée de cet essai de généalogie que l'on retrouve le plus grand nombre de signatures, entre autres celles de Pierre Hurel, dont j'ai pu en photocopier une trentaine. Encore ai-je du arrêter les prises de vues, le temps m'étant compté, comme pour celles de son compère Anthoine Le Dornois. Il semble que cette famille des Le Dornois se soit éteinte assez rapidement .

Je n'ai retrouvé aucune trace récente de ce patronyme. Evidemment aucune signature.

On peut considérer comme signatures les noms gravés sur le pourtour de la nouvelle cloche de l'église du Mesnil Mauger nommée «Barbe», en souvenir de l'abbaye du même nom d'où elle venait, baptisée par Messieurs les chanoines réguliers. C'était le 10 octobre 1739. A très peu d'années près, ce baptême coïncide avec le départ de Charles Hurel de sa Normandie natale. Il a dû entendre une dernière fois la cloche tinter de moins en moins fort sur le chemin de son départ vers cette lointaine Bretagne où il va s'installer là où son destin l'appelle, dans le sillage de marquis de la Bourdonnaye, là où il fera souche.

Avant de quitter ce pays d'Auge si attachant, ouvrons une parenthèse pour nous pencher sur la famille Formage qui a donné de nombreux ecclésiastiques. On ne compte pas moins de huit prêtres séculiers ou religieux, la liste a été dressée par le dernier d'entre eux: Jean curé de la deuxième «portion» du Mesnil Mauger depuis 1702. Il n'a pas décompté les religieuses, mais on peut raisonnablement déduire qu'il y en avait également un certain nombre. On trouve son grand oncle Pierre Formage, vicaire en 1599 de la paroisse de Notre Dame d'Anquairville, curé de Lessart en avril 1609 durant 45 ans. Un autre Jean sous-sacristain à Notre Dame de Paris en 1638, un de ses frères le Révérend Père Fulgence Formage, capucin gardien du couvent de la ville de Troyes, Fleury Formage lui aussi capucin, un autre Pierre: curé, François son oncle curé de la première il portion" du Mesnil Mauger et son cousin prénommé aussi François, curé durant des décennies. Sous les règnes des Rois de France Louis XIII, Louis XIV, Louis XV figureront les signatures, les marques de François et Jean Formage sur les registres paroissiaux du Mesnil Mauger, à côté de celles de Noble Homme Anthoine Le Dornois et de Noble Homme Pierre Hurel,

et aussi, celles de leurs ancêtres: Nollette Fleury décédée en 1673, mariée à Jean Le Dornois tandis que Pierre Hurel épousait Barbe Fleury qui devenait le seize février 1649 marraine de Pierre Le Dornois, et que Jeanne Fleury était celle de Jeanne Le Dornois depuis le 12 août 1646!

Grandes et familles nombreuses du Mesnil Mauger à cette époque, tellement imbriquées les unes dans les autres qu'il est difficile parfois de remonter la filiation exacte, avec quelquefois des prénoms semblables, ce qui ne facilite pas la recherche, mais dont l'examen attentif des paraphes permet quelquefois de mieux localiser, de pouvoir mieux placer sur l'échiquier certains de ces "soussignans".

C'est sur ce baptistère, depuis classé par les beaux-arts, que
mon ancêtre Pierre Hurel reçut le sacrement vers 1635

La page normande se tourne...
l'épopée se poursuit en Bretagne.

Le marquis Louis François de la Bourdonnaye occupe, comme son père l'a occupée, l'importante charge d'intendant de Rouen.

Il est né en 1702, Charles Hurel en 1700.
Il est mort en 1779, Charles Hurel en 1770.

A quelques années près ils sont donc du même âge.

Le marquis sera le parrain de Louise Gabrielle, fille de Charles Hurel, que nous retrouvons installé à la Haute Bouexière dans le château de la Bourdonnaye en la paroisse de Carentoir en Bretagne, où devenu l'homme de confiance du marquis il se mariera bientôt et aura six enfants. Cinq filles et un garçon.

Comment les deux hommes se sont-ils connus, nous ne le savons pas ; on peut conjecturer qu'étant Noble Homme, ce qui en Normandie était un titre de noblesse impliquant la possession d'une terre, le marquis l'a peut-être employé pour un poste où il a pu apprécier certaines de ses qualités de gestionnaire, et qui l'a amené à lui confier l'administration de ses immenses propriétés bretonnes.

Mises à part sa belle signature retrouvée sur de nombreux actes sur le registre de l'église de la trêve de la Haute Bouexière, il n'y en a pas d'autres connues à ce jour. Car si nous connaissons en gros ses fonctions, aucun autre document n'est parvenu jusqu'à nous apportant des précisions sur ses activités. Pourtant on peut se faire une idée à peu près précise sur le monde qu'il fréquentait, monde aristocratique et aussi monde des gens de loi, procureurs fiscaux, avocats, juges, notaires. Les parrains et marraines de ses enfants seront presque tous recrutés parmi ces gens de noblesse ou de robe. On trouvera aussi un chirurgien...

Mais au moment de mettre la dernière touche à ce livre, un des mes informateurs me signale la signature de Charles Hurel sur une minute de l'étude de Maître Medal en date du 18 juin 1768, acte de location d'une maison située rue de l'Hôpital à Ploërmel, louée à Jan Reminiac «tambour de ville» dans cette cité.

Autre document retrouvé:

En juillet 1765 notre Catherine RIQUEL est chargée par le notaire MEDAL de Ploërmel «d'ouvrir le château et de pouvoir accéder aux armoires» dont elle détient les clés. Il s'agit de pouvoir procéder à l'évaluation des biens de la succession de dame Marie Françoise TALON femme du marquis Louis François de la BOURDONNAYE. Sa sur avait épousé Louis Joseph MONTCALM lieutenant général de sa MAJESTE au Canada.

Tandis que Charles HUREL mari de Catherine était chargée de la vente des bois et tailles dépendant de la succession «revenant aux héritières pour moitier de feue leur tante et sur».

Le Marquis de la Bourdonnaye désirait depuis longtemps que la Haute Bouexière où est installé depuis toujours le château, soit érigée en trêve, qui est une sorte de succursale de l'église paroissiale. Il batailla durant de longues années pour arriver à ses fins, mais le recteur de Carentoir ne voyait pas d'un bon oeil une partie de ses ouailles lui échapper. Pourtant en 1769 c'était chose faite. Le décret d'érection est promulgué le 10 Janvier 1770 à la grande satisfaction des habitants. L'église devient succursale de celle de Carentoir. Elle le sera jusqu'en 1792. Son registre des baptêmes, mariages, sépultures sera donc tenu durant vingt deux années. Période qui coïncide avec la présence de la famille Hurel à la Bourdonnaye. Elle va y faire baptiser ses six enfants, assistera et témoignera à toutes les cérémonies impliquant le voisinage. C'est pour cette raison que j'ai pu relever condensées sur le petit registre trêvial une trentaine de signatures familiales.

La belle signature de Charles Hurel

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